Chapitre un :
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Tess s’était assise à même le sol, la tête posée sur ses genoux repliés. Le vent balayait par intermittence le petit méplat où elle s’était abritée, lui apportant sporadiquement la fraîcheur des embruns. Un autre vent était à l’œuvre… celui d’une sourde nostalgie qui l’habitait de plus en plus souvent depuis peu.
Elle se souvenait de ce champ de blé tant il était vaste et elle petite. Elle en dévalait la pente sous les quolibets de son oncle amusé. Son étroit sillon lui servait pour le retour de fil d’Ariane dans cet océan d’épis bien plus hauts qu’elle. Elle remontait ainsi ses traces comme elle le faisait aujourd’hui de son passé.
La mer l’avait toujours impressionnée. La première fois que ses yeux s’étaient portés sur elle sa démesure l’avait submergée et intimidée. Devant cette immensité elle n’était qu’elle, un rien dans la course du monde et du temps, cela la rassurait.
L’écume et l’eau lui rappelèrent les rires des lavandières et toutes ces histoires qu’elles se racontaient en battant le linge, encore et encore. Elle accompagnait là sa maman. Une larme perla qui roula sur sa joue un trop long moment. Elle ferma les yeux.
Elle était si douce, maman … Elle se remémora le soin maternel et la douceur qu’elle mettait à démêler ses cheveux. Elle entrevit fugacement, dans l’ombre de ses paupières mie-closes, le sourire qui avait éclairé ses premiers pas. Tess fredonna au ressac ces chansons qui tous les soirs résonnaient de la voix cristalline qui l’avait si souvent aidée à vaincre l’obscurité.
Au bleu de l’horizon se substitua celui des yeux de son père. Son attitude fière au jour de son entrée à l’Académie d’Ascalon. Gonflés d’orgueil, l’un comme l’autre s’étaient regardés comme jamais ils ne l’avaient fait. La petite fille était devenue femme et son père le découvrait à sa manière, sans effusion mais dans l’intensité d’un de ses moments dont il avait le secret
Elle se rappela, non sans émotion, de Narya sa première poupée, longuement façonnée par son oncle. Elle se sourit à elle même… Elle repensa à Guntahm du bois clos qui lui vola son premier baiser et à ses compagnons dans les douves du château et de leurs combats aux sons mats des épée de bois qui s‘y heurtaient des heures durant… Elle rouvrit les yeux.
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La mer s’était éloignée pendant que le temps fuyait. La plage à nue dévoilait ses rochers torturés et ses fissures profondes dans lesquelles l’eau s’engouffrait avec frasque. Ascalon pensa-t-elle … Après …
Le soleil qui s’était couché en cette nuit fatidique l’avait vue loin d’Ascalon. Une de ses innombrables railleries avait troqué le confort de son lit contre celui, plus relatif, d’une garde au gué du bas, non loin de fort Ranik. De là, elle avait vu s’accumuler les bas et sombres nuages venus des terres charrs. Son intuition avait hurlé au danger, sa raison au mauvais présage. Elle tomba avec les derniers rayons du soleil… la terre trembla quand la magie charrs la heurta de toute sa puissance. Ce déferlement aveugle et destructeur dura toute la nuit. Terrorisée Tess regardait s’effondrer son monde, impuissante …
Sa gorge se resserra comme elle le faisait toujours à l’évocation de ce souvenir. Les cristaux qui s’étaient formés sous l’effet des chaleurs démentielles colportaient froidement les premiers rayons du soleil. La terre elle même avait changée, elle était désormais crevassée et tourmentée. Sa belle vêture verte avait laissé place à une terre nue, sèche et calcinée en profondeur. Tess eut bien du mal à s’orienter dans cet enfer.
Les 1ers survivants qu’elle croisa fuyaient vers Rin en colonnes dépenaillées. Leurs regards hagards la hanteraient longtemps. Ils n’avaient rien à dire de plus que ce que leur apparence révélait de douleur et de misère. Tous partageaient la même détresse, un décent silence s’imposait de fait, laissant chacun faire son deuil comme il le pouvait.
Elle arriva finalement à la ferme familiale à peine une heure avant l’assaut charr. Il ne restait d’elle que les fondations et la charpente brûlée. L’endroit était désert…Intuitivement, elle savait mais ça raison le refusait. Elle ramassa là ce qu’elle put avant de repartir en direction d’Ascalon. Pour la première fois elle ressentit le poids du doute, la crainte d’avoir perdu les siens et une haine qui la terrifiait. Si le monde avait changé, elle aussi …
Tess se leva, pria les cinq puis franchit la distance qui la séparait de la mer. Elle défit une jolie dague ornée de sa ceinture et la déposa en offrande dans un bassin que le ressac vidait et remplissait tour à tour. Elle chassa ses larmes pour retourner au hall en se promettant à elle même de revenir ici bientôt.
NB : J'ai écris en réponse à une demande de Nenya et suite à une inspiration du moment.NB 2 : Si cela vous a plus je ferai une suite ;)NB 3 : oui je sais la numérotation de mes NB n'est pas rigoureuse car toute numération commence par zéro ...